J’ai allumé une bougie avec une allumette, d’une boîte gardée de la dernière fois quand j’ai mangé à l’Entrecôte.
J’ai dit Mon petit papa, c’est ton anniversaire aujourd’hui.
Alors j’ai mis la bougie devant les photos.
À la fin de sa vie, je l’appelais Mon petit papa. C’est venu comme ça, de dire Mon petit papa, sûrement à cause de son air attendrissant. Et sa tristesse.
J’avais envie de lui parler.
Une date d’anniversaire de quelqu’un qui est mort depuis longtemps, ça fait une date vide. Comme si on savait quelque chose qui ne sert plus à rien.
Alors, ce soir-là, je me suis dit : Je vais essayer de le hanter.
Lui faire un signe de souvenir.
J’étais devant ma bougie à lui parler.
Je lui ai dit : Le monde est toujours dingue.
J’aurais quand même aimé te raconter ce qui m’arrive chaque jour…
On serait aller au restaurant. Tu m’aurais dit ta phrase préférée au sujet des autres : « Pourquoi faire simple alors qu’ils peuvent faire compliqué ? » Avec ton air de te marrer, ton air de « Qu’est-ce que tu veux y faire… Attends-toi à tout… »
Tu m’aurais donné à lire Propos sur le bonheur et un roman de Modiano.
« Tu aimeras passionnément plusieurs fois dans ta vie », tu me répétais ça, tu m’apprenais pas des trucs de prince charmant, ça non.
T’avais raison, mon petit papa, je pensais devant les photos.
J’ai hanté en vain.
J’avais envie qu’un esprit vienne à ma rencontre. Que la bougie se mette à vaciller, qu’un livre tombe avec un titre qui me ferait un conseil, que la radio se déclenche avec une chanson, j’avais envie d’un fantôme de papa.
Le temps d’une conversation. Un bilan, un câlin. Une main sur la joue.
Bon, j’ai conclu ma séance de spritisme comme ça, de toute façon t’étais toujours en retard.
